lundi 30 novembre 2009

Lire, écrire. Rêver, peut être - par Martin W.

Le pire, finalement, ce n'est pas "ne pas pouvoir écrire", ou "ne pas savoir quoi écrire", c'est en avoir trop à écrire à la fois. En sachant que le temps n'est pas extensible. Et puis qu'il y a le temps pour la famille. Et puis aussi l'intendance (dont il faut bien s'occuper). Et puis les travaux alimentaires (qu'il faut bien faire pour faire tourner l'intendance, les gosses c'est sympa mais ça bouffe tout le temps, ça grandit tout le temps il faut leur acheter des trucs nouveaux, ça râle tout le temps il faut les sortir ou leur donner vingt balles pour qu'ils aillent râler avec leurs copains, ça dort tout le temps il faut les faire lever pour qu'ils donnent un coup de main à passer l'aspirateur, ça se salit tout le temps il faut bien faire la lessive et quand il neige déjà que la lingerie n'est pas tout près c'est la galère, ça parle tout le temps il faut bien les écouter et s'intéresser à ce qu'ils racontent des fois qu'ils seraient tentés de se venger de notre manque d'attention en allant fumer un joint ou boire de la bière en cachette ou cambrioler une banque, bref ! Ca prend du temps.

Le temps, ça n'est pas extensible, je l'ai déjà dit mais je n'en finirai jamais de le dire, et quand il y a tout plein de choses à faire (les textes alimentaires, le cours bi-hebdomadaire à préparer, les courses, les démarches administratives et les entretiens avec les étudiant(e)s qui viennent discuter du contenu de leur copie et de la note qu'on leur a mise injustement - oui, oui, ça fait partie du boulot des enseignants, au Québec, de recevoir les étudiants pour écouter leurs arguments...) il est difficile d'avoir du temps  pour écrire ce qu'on veut. Et pour lire.

L'autre jour après être allé voir "Fantastic Mr Fox" (je vous le conseille, c'est excellent) avec mon boss et une demi-douzaine de garçons entre 10 et 16 ans, je me suis dit que la principale raison pour laquelle j'aimerais avoir un poste de prof dans une université d'Amérique du Nord c'est parce que j'aurais une allocation livres : je pourrais commander tous les bouquins que je veux (enfin pas tous, mais beaucoup) et même, si j'étais prof de "Television Studies" spécialisé dans les séries télé, les coffrets des séries qui pourraient me permettre, de près ou de loin, de faire mes cours, d'écrire mes articles et mes bouquins sur le sujet.

Notez bien que ça ne changerait rien à mon problème : même si j'avais tout l'argent qu'il me faut pour (après avoir payé le loyer, les courses et quatre paires de chaussures de neige taille 46) commander deux douzaines de coffrets de DVD par trimestre à Amazon.ca, je n'aurais pas plus de temps pour les regarder et pour écrire les articles qu'ils m'inspireraient certainement.

Ni les articles qu'on m'a gentiment proposé d'écrire pour la revue du département. 
Ni les textes qui me sautent à la figure en parlant à un étudiant ou à une collègue, ou en lisant La Presse dans le métro.
Ni les romans dont je berce l'idée depuis longtemps.
Ni les chansons que j'aimerais chanter en solo.
Ni les scénarios de séries télé.
Ni les essais qui me donneraient l'illusion d'être un intellectuel influent. 
Ni les textes qui me viennent sans prévenir, comme celui-ci, que je me suis mis à écrire au fil de la plume sans réfléchir.
Et d'ailleurs, pourquoi est-ce que je l'ai écrit, ce texte, alors que j'ai déjà tant à faire. 
Quelle perte de temps, vraiment !

Mar(c)tin

dimanche 29 novembre 2009

Potins sur le potage (Quand je serai plus vieille, 15) - par Marie-Thérèse

Quand j’ai été plus vieille, j’ai calfeutré toutes mes oreilles

comme pour des fenêtres trop usées dans les interstices à courants d’alizé.

Peut-être n’entendais-je plus rien, que les corbeaux mitoyens, au dehors, du pré voisin

Car ici tous mes chats sentencieux ronronnaient, surveillant la soupe aux citrouilles,

qui, Elle, indifférente orange, clapotait et ronchonnait.



J’avais appris une recette recopiée sur mon lit, dans Femme Actuelle, avec de la Vache qui Rit

Un peu de lait et quelques poivrières, dès lors on me prit pour la sorcière du placard à balais. Celle que j’ai chassée un jour, à coups de tapette à mouches, certes mais, avec grand amour.

Une de mes dents venait de me quitter, et la facture du gaz gisait, gluante sur l’évier.



Quand j’ai été plus ancienne, j’ai replié toutes mes antennes

car le Grand Monde m’ inquiétait par ses torrents d’iniquité.

Tous ces allumés en cavale et leurs rudes manies de vandales

aux prises avec leur gros nombril, une impossibilité de regard subtil.

J’avais appris une autre recette, feuilletée près de la fenêtre

dans le magazine ELLE, à la section du cas par cas.

Un onguent contre le mal d’oreilles et toutes les tristes saturations.

Or on me prit pour la pharmacienne, celle des grands bosquets déglingués

que je soudoie de temps en temps, pour soulager mes petites hernies sentimentales

et ces déficits de silence qui m’empêchent de préparer , mieux encore, ma meilleure mort.



Je la sais verticale.



Quand j’aurais été plus vieille, j’aurais ri comme une treille

secouée par des vendangeurs bègues, ruisselante et ahurie.



Lyon (France) Marie-Th . Peyrin
La Cause des Causeuses
http://la_cause_des_causeuses.typepad.com/

samedi 28 novembre 2009

Quand je serai plus vieille (14) - par Anne-la-bibliothécaire

Quand je serai plus vieille d'une heure
J'aurai fini mon livre
Quand je serai plus vieille d'un jour
J'aurai fini ma peinture
Quand je serai plus vieille d'un mois
J'aurai fini mon voyage
Quand je serai plus vieille d'un an
J'en aurai fini avec mon amour
Quand je serai plus vieille d'un siècle
On m'aura oubliée

Anne-la-bibliothécaire

jeudi 26 novembre 2009

Quand je serai plus vieille (13) - par Gilda

Quand je serai plus vieille, j'aurai bien des amants
Cherchant en vain, inlassablement,
La tendresse et l'intensité de Celui qui
M'avait si délicatement courtisée alors
Qu'il savait bien, le bougre, que pour lui c'était fini.


Quand je serai plus vieille, sans cesse je voyagerai
Ça ne sera pas pour m'amuser mais bien pour travailler
Ici, là, ailleurs où je serai conviée.
J'ignore si j'aurai des papiers français.


Quand je serai plus vieille, j'écrirai au clavier.
Ça fera rire les plus jeunes, depuis longtemps passés
À la transmission électronique de pensée.


Quand je serai plus vieille, je cesserai de pleurer
Avoir atteint tant d'âge me fera rigoler.


Gilda

mercredi 25 novembre 2009

Quand je serai plus vieille (12) - par Maud K.

Quand je serai plus vieille
je porterai le monde sur mes genoux
et mes petits enfants avec.
J'aurai une poitrine large où il fait bon se nicher
et plein d'amour a distribuer.

Quand je serai bien vieille
je serai sage
et irréverencieuse.
J'aurai dans mes bagages
des souvenirs, des regrets, des remords
et des victoires.

J'aurai vu les hommes
et compris leurs ressors
surpris leurs travers
et déniché leurs trésors.
J'aurai appris les hommes.

Quand je serai d'un autre temps
je m'inclinerai d'un sourire entendu.
Les rides et le vent sur ma peau
auront caché les marques des entraves
d'un autre temps

Je serai nue et je serai belle.
Sous mes tempes grises
danseront les feux des rêves accomplis
et dans mes mains flétries
dormira le guerrier, au repos.

Quand je serai plus vieille
je serai nue, et
je porterai l'essence du monde
comme parfum.

mardi 24 novembre 2009

Quand je serai vieille (11) - par Sophie B

Quand je serai vieille, je n'aurai plus de mémoire, je n'aurai que l'avenir devant moi, je ne repenserai pas à hier, je serai là ou ici aujourd'hui.
Quand je serai vieille je regarderai les fleurs, les feuilles, j'écouterai des insectes et je n'entendrai que ça, je sentirai l'odeur de la terre, je passerai des nuits dans mon jardin, je scruterai les étoiles et je les verrai filer.
Quand je serai vieille je rencontrerai une nouvelle personne chaque jour, je passerai du temps avec lui, avec elle, on parlera sans compter le temps, on parlera ensemble dans le monde et hors du temps, on sera des amis de la journée.
Quand je serai vieille, je comprendrai pourquoi je reste toute la journée assise dans un parc à regarder le monde autour et au-dedans de moi.
Quand je serai vieille, je n'écrirai plus, je parlerai, j'écouterai ma tête.
Quand je serai vieille, une journée sera un siècle, une heure une éternité, le temps n'aura plus de prise sur moi, j'aurai tout le temps, tous mes yeux, tout mon corps, toute ma tête.
Quand je serai vieille, je n'aurai plus mal au dos, aux yeux, aux mains, aux pieds, aux cheveux.
Quand je serai veille, je n'aurai plus envie ni besoin d'aller travailler.
Quand je serai vieille, je commencerai déjà bien demain.

Quand je serai vieille, je m'appelerai toujours Sophie B.

Sophie B.

dimanche 22 novembre 2009

Docteur Prose

Montréal, salon du livre, 20 et 21 novembre 2009.

Onze ans après le Livre Inter et notre première rencontre (je ne l'ai revu qu'une fois entre temps) je passe deux longs moments avec Daniel Pennac, invité d'honneur avec Tonino Benacquista du Salon du Livre de Montréal.

En me revoyant, Pennac me salue comme si nous étions deux vieux amis. Et en un sens, c'est vrai : il me raconte que sa compagne a lu à haute voix Le Choeur des femmes pendant qu'il traversait la France pour se rendre dans leur maison du Vercors (à moins que ce ne soit au retour ?) ; de mon côté, je lui dis combien Chagrin d'école, de même que Comme un roman sont des livres importants à mes yeux.

La première rencontre, le soir de la délibération du Livre Inter, dans les salons de Radio-France au milieu des 24 jurés, était une rencontre de sensibilités et d'intelligence réciproque. En dînant avec lui, hier soir, avec sa femme Mine et MPJ à la table où nous avaient invités notre diffuseur commun au Québec, Gallimard Ltée, j'ai senti une nouvelle fois tous les "atomes crochus" qui me l''avaient d'emblée rendu si familier, si fraternel.

Pennac est un type comme je les aime : cultivé et jamais hautain, grave sans jamais perdre son humour, respectueux et chaleureux. C'est un bonheur de parler avec lui et de l'écouter raconter des histoires. Il me décrit ainsi plusieurs idées de nouvelles qu'il n'a jamais eu le temps de mettre en oeuvre, désolé de la lenteur avec laquelle il écrit, précisant avec humilité que cette lenteur n'est même pas - hélas ! - gage de qualité. Je me dis que j'écrirais volontiers avec la même lenteur si j'étais assuré de produire des livres "d'aussi piètre qualité" que les siens.

Comme moi, il aime parler de ses livres en cours : contrairement à d'autres écrivains, il n'a pas le sentiment que le fait d'énoncer verbalement une idée va l'éventer ou la dilapider, mais que la narration parlée prépare l'écrit.

Parler avec Daniel Pennac, c'est entendre un récital d'histoires.

Et puis l'homme est plus que généreux. Ce midi, en tête à tête avec Jean-Paul Hirsch, "ange gardien" des écrivains (et bras droit de Paul Otchakovsky-Laurens)  chez P.O.L., je lance que j'aimerais bien écrire un "petit livre" dans le genre de Comme un roman et Chagrin d'école. 

Arrive Pennac, qui vient de passer une heure et demie à signer sans interruption (vingt minutes avant la séance, on tendait des rubans le long du stand pour canaliser les lecteurs déjà dans l'attente de son arrivée ; il est aussi aimé au Québec qu'en France). Immédiatement, je lui lui dis que j'aimerais écrire un livre qui ne soit ni un roman ni une réflexion théorique mais qui ressemble à ses deux ouvrages - et tandis que je peine à les définir il murmure :
" Un essai narratif."
" C'est ça..."
"Eh bien figure-toi que j'ai pensé à ça cette nuit, après t'avoir entendu parler de médecine hier soir au dîner. J'ai pensé : 'Il y a un livre que seul Martin pourrait écrire autour de la relation étrange que nous avons avec les médecins.' Tu le fais déjà dans tes romans, mais tu pourrais le faire aussi sous une autre forme. C'est ton domaine. C'est ton expérience. "

Et il poursuit en me confiant  qu'à son avis, Comme un roman et Chagrin d'école, au fond, sont des livres qui parlent de la peur et de l'humiliation - la peur et l'humiliation de ceux qui se sentent "disqualifiés" par des discours dogmatiques.

La conversation me fait un bien fou. C'est une de ces conversations qui éclairent, libèrent, allègent l'esprit. D'un seul coup, mes complexes s'envolent : oui, j'ai suffisamment d'expérience pour écrire un "petit livre" comme ceux de Pennac.  Et je me sens porté par son mouvement généreux, son désir de soulager, de déculpabiliser, de réhabiliter.

Mais ça n'a rien d'étonnnant, au fond : l'écriture de Pennac soigne.

Martin Winckler

samedi 21 novembre 2009

Quand je serai plus vieux (10) - par Jérôme

Quand je serai plus vieux, je me sentirai mieux
Finie la diplomatie et bonjour l’autarcie

Bien sûr, j’aurai mal d’être à l’hôpital
Mais les docteurs ne me feront plus peur

Je n’aurai plus droit aux pizzas et tu ne seras déjà plus là
Et je serai mûr à défaut d’être mature

J’aurai accepté mon prochain décès et les regrets seront passés
Car enfin j’aurai compris qu’on fait sa vie… pas la vie…

Jérôme

Quand je serai plus vieille (9) - par Abou

Quand je serai plus vieille,

puisque déjà je suis
mais là je serai plus;
demain donc,
demain je me lèverai tôt
et courrai sur la route
rattraper tout là-bas
cette enfant qui se tient
immobile
dans ses rêves,
depuis le début de moi.
Je poserai ma main
alanguie, fatiguée,
sur son épaule.
Je dirai
"Me voilà,
enfin.."
Elle, un peu boudeuse :
"Tu as mis le temps…
Qu'as-tu vu de l'amour ?"
Un long silence,
et moi :
"J'ai traversé.
Il pleuvait,
parfois"

Et nous resterons là
attendant
que l'ange
nous métamorphose

Abou

Quand je serai plus vieux (8) - par Lilian

Quand je serai plus vieux

Je ne serai pas beaucoup plus rideux
Je n’aurai pas plus de poils aux yeux
Des oreilles qui pendent jusqu’aux orteils
Une bouche qui manque de vermeil
Un dentier en or massif
Des réflexes trop passifs
C’est pas tout de suite que je serai catarrheux :

Ca prend du temps d’être plus vieux


Lilian

When I get older (7) - par Brigitte F.

When I get older… many years from now, disaient-ils.
On y est, on est Older tout à fait, on a encore des cheveux, mais aussi déjà des douleurs par ci par là… on se dit qu’il faut encore travailler, mais s’enfuir vite avant que les politiques n’inventent le labeur à vie.
Et… alors le temps s’ouvrira où on aura du temps
Le temps de partir, loin et près, longtemps ou pour quelques jours, n’importe où, n’importe quand, qui sait, avec n’importe qui
Le temps de sombrer dans le prochain Winckler sans culpabiliser parce qu’il y a tout de même quelques urgences (Tu n’as rien d’autre à faire ?, disait ma grand-mère quand elle me voyait un livre à la main) Virginia W. et les américains aussi… en version originale, gymnastique cérébrale, tentative contre menaçante décadence de la mémoire.
Le temps de lire La Recherche, enfin, en entier, dans les beaux volumes Pléiade achetés il y a tant et de relire Flaubert ou Balzac, Zola ou Stendhal, voire de se plonger enfin dans Tolstoï et Dostoïevski, ou
Le temps d’écouter, plus seulement entendre
Le temps de regarder les petits grandir, paisiblement, sans hâte
Le temps de leur dire des histoires, le temps de leur montrer les saisons
Le temps de marcher moins vite en espérant aller tout de même aussi loin, aussi haut, puisqu’on aura le temps
Le temps de voir, revoir, voir, revoir, tous les films ratés ou aimés, les nanars et les polars, les d’amour et les de guerre, les à rire ou à pleurer, les autres aussi
Le temps de dormir au gré du besoin
Le temps de se dire qu’on a le temps, que rien ne presse plus vraiment
Et puis après, le temps d’en finir, de fermer les portes et fenêtres, de s’éloigner.

jeudi 19 novembre 2009

When I am an old Woman (6) par Martine B.

(Version anglophone de "Quand je serai plus vieille, 1")

When I am an old woman
I will ride a motorbike in a brand new leather gear,
I will get tickets for speeding and not stopping at traffic lights
and refuse to produce my driving license as I won’t have one.

I will stop all the clocks to do only what I like,
I will read or write at night and have breakfast at teatime.
When I am an old woman I will no longer stick to my diet
but gobble up chocolate, and curries, and lemon pies.

I won’t be bothered with people who know best
and will tell them to bugger off, excuse my French!
My friends from the funerals of people we did not know
will all be young and cheeky, with a gift for carelessness.

For up to now I‘ve had to watch my Ps and Qs
“Yes Miss,” or «Please Sir”, or “Thank you Madam”.
You do have to be a role model for the children
so you get used to being sensible and reasonable.

Why not start practising right now, though,
so that nobody will be surprised
when one day I have become an old woman and buy a motorbike.

mercredi 18 novembre 2009

Quand je serai plus vieille (5) - par Emmanuelle M.

Quand je serai vieille
Le soir à la chandelle…
Ah non, ce n’est pas ça !

Quand je serai plus vieille, je ne crois pas que je ne serai pas si différente de maintenant.
J'espère être plus mince, mais ce n'est pas sûr.
J'espère être moins angoissée, mais c'est encore moins sûr.
Je serai toujours révoltée, ça c'est sûr.
J'aurai peur pour mes enfants, c'est aussi sûr.
 
Quand je serai plus vieille, j'espère ne pas devenir une mère indigne, ce serait la plus grande honte et le plus grand ratage de ma vie.
 
Quand je serai plus vieille, j'espère pouvoir retourner dans ma Normandie, le seul lieu où il fait bon vivre pour moi (mais je ne connais pas l'Angleterre et pas toutes les îles anglo-normandes, et elles me conviendraient sûrement aussi).
 
Quand je serai plus vieille, je n’irai pas en maison de retraite.
Quand je serai plus vieille, si je suis très malade, je ne me soignerai pas, je me suiciderai.
J’espère pouvoir partir de mon propre fait, c'est-à-dire ne pas être dans l’incapacité physique ou psychique de le faire.
Quand je serai plus vieille, je ne supporterai pas plus les hôpitaux que maintenant.

Quand je serai plus vieille (4) - par Lyjazz

Quand je serai plus vieille
Ben je serai toujours jeune dans ma tête
Parce que mes enfants sont bien plus jeunes que moi
Et que je vais maintenir mon corps et mon coeur et mon esprit
Dans un état assez potable pour garder ma jeunesse.
De toute manière
J'aime déjà être vieille,
C'est à dire pleine de sagesse
Ou alors davantage que quand j'étais jeune
Me suis jamais sentie jeune
Seulement impatiente et trop perméable aux émotions extérieures.
Maintenant je sais mieux me centrer
J'aime mes 45 ans pour ce qu'ils sont :
l'expérience, l'envie d'aller à l'essentiel
Sans m'encombrer de l'inutile et du superflu
Même dans les relations humaines.
Comment dire ?
Quand je serai plus vieille
Je serai sûrement aussi chiante que maintenant
Voire même davantage.
Et je continuerai à faire ce qui me plait, quand ça me plait.
Voilà !

Lyjazz

mardi 17 novembre 2009

Quand je serai plus vieille (3) - par Brigitte C.

Quand je serai plus vieille,

doucement, je m'en irai.



D'hésiter je finirai

quand je serai plus vieille.



Quand plus je n'aurai de miel,

doucement, je m'en irai.



Dans le vent, sous le soleil,

en silence le voudrais,

quand je serai plus vieille

doucement je m'en irai

lundi 16 novembre 2009

Quand je serai plus vieille (2) - par Zelapin



Quand je serai plus vieille, je ferai semblant de n’avoir peur de rien,
Je poserai mes lunettes toujours au même endroit, à côté de mes clés,
Je saurai lire entre les lignes et les relations humaines couleront de source.

Quand je serai plus vieille, j’aurai une heure de plus et je lirai au lit,
Un livre pour la jeunesse, parce-que c’est relatif.
Tout est relatif et bien plus encore, et en particulier les textes que l’on lit.
Puisque j’aurai une heure de plus, je pourrai lire ce que lisent les jeunes,
Personne ne s’en étonnera et surtout pas toi, qui auras toujours deux ans de plus que moi.

Quand je serai plus vieille et presque morte, je serai comme là, tout de suite maintenant,
La vie sera la même, chacun sera le même, et tous s’en rendront compte :
Quand on sera plus vieux, maintenant ou après,
C’est de ne plus nous voir qui nous importera.

dimanche 15 novembre 2009

Quand je serai plus vieille - par Martine B.

Quand je serai plus vieille j’aurai une moto
Je roulerai sans casque et brûlerai les feux rouges
Toute habillée de cuir.
Je ne tiendrai plus ma langue, me ferai des ennemis,
Je ne m’excuserai pas, j’oublierai mes principes.
Quand je serai plus vieille je ne ferai plus la diète
Et me goinfrerai de chocolat tant que ça me plaira.
Je me moquerai de l’heure, bouquinerai toute la nuit,
Et puis je dormirai jusqu’à l’après-midi.
Quand je serai plus vieille j’aurai de jeunes amis
Qui m’apprendront l’insolence en toute insouciance.
Nous nous rencontrerons pendant les enterrements
Et cracherons sur les tombes des donneurs de leçons.

Mais en attendant
Il faut dire pardon et s’il vous plait et merci,
Il faut gagner sa vie sans crier son ennui,
Avancer chaque jour, sans douter ni lutter,
Les enfants nous observent, on doit montrer l’exemple.

Et si… ?

Et si je commençais aujourd’hui ?
Ainsi personne ne sera vraiment surpris
Le jour où je serai bien vieille.

Quand je serai vieille (1) - par Malika

Quand je serai vieille
Je jouerai du ney
Ce sera une merveille
Je mangerai du miel d' abeille
Et des groseilles
Mes draps seront couleur vermeille
J irai a MARSEILLE
Chercher le soleil
Mais l'essentiel
Sera a mon éveil
Car je serai toujours pareille
Moi la REINE Mireille
Et à la mer
Je jetterai ma dernière bouteille
Pour que le monde se réveille.

Malika (8 ans 1/2)

vendredi 13 novembre 2009

Exercice d'écriture (6) proposé par Martine B.

C'est un exercice d'écriture, mais cette fois-ci c'est Martine B. qui le propose. En hommage à Warning, un poème de Jenny Joseph.
Un poème qui commence par "Quand je serai plus vieux/vieille..." Tout un programme. Au boulot ! Date limite de remise : Dimanche 22 novembre minuit. Mise en ligne à partir de demain, avec le poème de Martine B.

jeudi 12 novembre 2009

Tourmens, la ville de tous mes romans

Françoise Dargent, journaliste au Figaro Littéraire, m'interroge longuement pour un article à venir. Elle m'envoie aujourd'hui un courriel pour me poser une question complémentaire :

Lors de notre longue conversation, j’ai omis de vous demander des précisions sur cette bonne ville de Tourmens, familière à vos lecteurs. Pouvez-vous m’en dire plus sur ce choix, le nom, la ville qui vous a inspiré, la ville fantasmée et pourquoi toujours elle ?

Je lui réponds :

"Tourmens c'est Tours/Le Mans, les villes où j'ai fait et terminé mes études, mais c'est aussi représentatif d'une certaine dichotomie en France : la ville bourgeoise, ensoleillée, avec une belle université, beaucoup d'argent (Tours) d'un côté, et la ville ouvrière, grise, isolée dans la région (l'hôpital du Mans est l'un des plus grands de la région Pays de la Loire mais n'a jamais obtenu d'être considéré comme un CHU) et méprisée par tout le monde (alors que le TGV s'y arrête, il est question qu'on lui fasse contourner la ville pour gagner... trois minutes sur la route de Brest, ce qui signerait la mort économique du Mans et qui, pour les gens qui vont travailler tous les jours à Paris, par exemple, représenterait le retour à l'époque où ils devaient se taper 4 heures de transport aller-retour, au lieu de deux)

Bref, Tourmens représente la France, il y a la rive droite bourgeoise et dominante, la rive gauche populaire et militante. C'est une vieille vision, utopique et idéaliste qui remonte à mes ébauches de roman dans les années 80. Je l'ai développée dans les romans policiers (Mort in Vitro, Camisoles) et surtout dans ma "Trilogie Twain" (dont le Figaro Magazine, d'ailleurs, a été le seul à rendre compte), en particulier dans la description de la médecine à deux vitesses des CHU hyperéquipés contre les hôpitaux de quartier pauvre que tout le monde veut faire disparaître.

L'intérêt d'avoir une ville imaginaire c'est qu'on peut y mettre en scène et y transposer toute une société sans avoir besoin de se caler sur l'histoire officielle et en réinventant les personnages à partir de figures réelles sans être enchaîné par/à la réalité. On peut régler leur compte à qui l'on veut, en sauver d'autres. Mais si ma vision est idéaliste et militante, mes militants ne posent pas de bombes. Dans la Trilogie, un mystérieux "Robin des Tours" REPARE les ascenseurs des HLM laissés à l'abandon par la municipalité pour en déloger les habitants. Et en permettant aux gens de se réinstaller dans les tours, il provoque plus de pagaille qu'en fomentant des attentats.

Bref, à Tourmens, je fais ce que je veux. Vous noterez, d'ailleurs, que le Tourmens de mes romans médicaux, sans histoire, n'est pas exactement le même que celui de mes romans policiers ou de SF (dont l'histoire politique et policière est plus mouvementée. Mais on peut représenter New York différemment selon qu'on filme une comédie musicale, une comédie romantique ou un film noir.

Sans vouloir établir la moindre comparaison de qualité, Faulkner avec son comté de Yoknapatawpha (dans la littérature) ou David E. Kelley (scénariste producteur de télévision de Ally McBeal et Boston Legal) n'ont pas procédé autrement : dans "Picket Fences", sa première série diffusée dans un désordre scandaleux sur TF1 il y a une dizaine d'années, Kelley fait survenir (et débattre de) toutes les turpitudes de l'Amérique dans une ville imaginaire qu'il nomme Rome, Wisconsin. (Puisque tous les chemins y mènent...)

Par conséquent, une ville nommée "Tourmens" et traversée par une rivière qui s'appelle la Tourmente, pour parler des conflits intimes ou sociaux, c'est parfait, je trouve."

Cela dit, je ne trouve pas "mieux" ou "moins bien" de parler d'une ville imaginaire que de parler d'une ville réelle. Quand James Joyce choisit de situer Ulysses à Dublin et quand David Simon situe ouvertement The Wire à Baltimore ou quand René Balcer, le showrunner et principal scénariste de Law & Order transpose des événements de toute l'Amérique à New York, ils produisent des chefs-d'oeuvre. Ce n'est pas le lieu (réel, imaginaire ou "mixte") qui compte, c'est, encore une fois, l'usage qu'on en fait pour parler de la dureté du monde. Un écrivain (je considère que les scénaristes de télévision sont des écrivains) a tous les droits.

En venant poster ce message ici, je me rends compte que Tourmens c'est une sorte d'abréviation/contraction de "Tout roman"

Je me souviens (20) par Brigitte F.

Alors, on s'absente trois jours sans Internet et au retour, voilà t'y pas qu'on
nous a tout changé !!! en mieux, en plus !
Pourtant
Je me souviens de la découverte du site de Martin Winkler, le premier : c'était
quand je me rebiffais contre les gynécologues qui ne voulaient pas me poser un
stérilet
Je me souviens de celui à qui j'ai raconté tout ce que j'avais lu sur le site,
pour le convaincre
Je me souviens qu'il a finalement accepté, et que ça a changé ma vie
Je me souviens que j'ai alors perdu les cinq kilos que la pilule, en bonne
mauvaise excuse, m'avait fait prendre.
je me souviens que j'ai couru plus vite et plus loin,après ça
Je me souviens que les montagnes d'alors sont devenues moins hautes et moins
abruptes
Je me souviens que le sac à dos s'est allégé
Je me souviens que je me suis trouvée belle
Je me souviens que je n'ai pas été la seule
Je me souviens que je suis même devenue prosélyte , genre 'oui les filles, vous
y avez droit'
Et pourtant, je me souviens que des années avant on avait 'conquis' la pilule
Je me souviens qu'on n'était pas majeures alors, et quil aurait fallu demander
l'autorisation de Papa/Maman
Je me souviens qu'on avait réglé le problème avec les merveilleux centres
d'orthogénie d'Angleterre, anonymat et explications garanties.
Je me souviens que des années avant on avait pris le ferry, across the
Channel,pour accompagner une copine
je me souviens aussi qu'il y a peu, je me suis une fois de plus demandé pourquoi
ça n'était pas fini, tout ça....

mercredi 11 novembre 2009

Je me souviens (19) - par Violette Moriarty

Je me souviens de Titus Andronicus. Les profs nous avaient fourrés dans un bus à la sortie du lycée et descendus aux portes de la Métaphore. La mise en scène était de Daniel Mesguich. Je me souviens du décor fait de livres. Partout, du sol au plafond, des livres. Je me souviens que nous étions dispersés un peu partout dans la salle. Je me souviens avoir tourné la tête vers mon voisin de gauche. C’était Daniel Mesguich.

Je me souviens d’Hamlet. C’était dans la plus petite salle de l’UGC de Lille. Le film durait 6 heures, en version originale, il y avait un entracte au milieu. Pendant l’entracte, je me souviens d’avoir discuté avec le seul autre spectateur de la salle. Il était professeur d’anglais à la fac et il avait donné rendez-vous à ses élèves ce matin là, pour voir le film.

Je me souviens des Histoires Grinçantes de Tchekhov, et de ma grand-mère qui demandait toutes les deux minutes à quel moment Laurence allait enfin entrer sur scène (alors qu’elle y était déjà depuis 20 bonnes minutes). De la robe de mariée de ma tante, et puis des « ouitres ».

Je me souviens du Bourgeois Gentilhomme. Je portais ma robe de chambre rose, sur laquelle on avait cousu des perles pour l’occasion. Je me souviens de mon refus catégorique de monter sur scène après les trois coups. Je me souviens d’y être montée quand même. Après, je ne me souviens plus de rien.

Je me souviens que Godot n’est jamais arrivé. Peut-être parce que personne n’avait pensé à lui dire que la Métaphore était devenue le Théâtre du Nord… Je me souviens d’avoir tourné la tête vers mon voisin de gauche et d’avoir souri en constatant que ce n’était pas Stuart Seide.

Je me souviens de l’Hymne des Industries Pharmaceutiques. Et du Petit Afflictionaire Médical. Et du défilé des patients de Sachs. Je m’en souviens deux fois, à vrai dire. La première fois, c’était à Arlon, le spectacle m’avait captivée.(1) La seconde fois, c’était à Longwy, je crois que je m’étais davantage intéressée aux réactions de mon voisin qu’à ce qui se passait sur scène… je ne me souviens plus s’il était à ma droite ou à ma gauche, par contre.

Je me souviens de Julien, dans les Femmes Savantes. Le seul à avoir retenu mon attention dans un massacre en règle de la pièce par la troupe du Français, au cours d’une représentation, hélas, pour une fois, télévisée.

Je me souviens de Guillaume, tout seul sur scène et irradiant de talent. Je me souviens d’avoir ri aux larmes et pleuré d’émotion. Je m’en souviens très bien, d’abord parce que ça ne m’était jamais arrivé, en tout cas pas dans un théâtre, et puis parce que c’était avant-hier. Et pour m’en souvenir encore mieux, j’y retournerai en février. Deux fois.





(1) dans un spectacle épatant intitulé "Sachs en scène" (Note de MW...)

lundi 9 novembre 2009

Je me souviens (18) - par Thomas

Je me souviens de l'odeur de la pâte à modeler. De « sa » tête, lorsqu'on nous en a offert tout un lot. De « ses » frissons à l'idée que ça allait se faufiler partout, que ça allait sentir toute la semaine. Je ne sais pas ce « qu'elle » avait contre cette odeur, j'adorais ça moi.

Je me souviens de cette maison à la campagne dans laquelle j'ai vécu jusqu'à l'age de 10 (ou était-ce 12 ?) ans. De cette maison avec un jardin immense (un champ en fait) et dont l'herbe était tondue par un homme présent tous les week-end dont j'ai oublié le nom et auquel « elle » a rarement été vue adresser la parole, mais qui semblait gentil pourtant. Je me souviens du saule pleureur qui se trouvait suffisamment près de la maison pour que je puisse y aller sans traverser tout le champ, mais suffisamment loin pour qu'« elle » soit obligée de se déplacer quand « elle » m'appelait. Je me souviens du portique ou nous faisions de la balançoire avec ma sœur, à deux sur la même parfois, et nous nous efforcions de sauter aussi loin que possible. Je me souviens du hamac ou je m'endormais des après midi entières avec une BD dans les mains.

Je me souviens de cette maison où en grandissant, les Legos et la balançoire ont lentement perdu leur intérêt, où j'étais confiné, incapable de voir des copains sans qu'on m'emmène à pétaouchnok en voiture, cette maison qui était longée par une nationale, seule et unique route traversant le patelin auquel elle était supposée appartenir. Cette maison où finalement la télé a commencée à prendre de l'importance, avec les rediffusions de Mission: Impossible et Star Trek, les dessins animées du Club Dorothée (qui se souvient de Fly ?) et les films du “Mardi c'est permis”.

Je me souviens que, terrorisée par son ombre, et refusant de jeter les allumettes éteintes dans la poubelle de peur de déclencher un incendie, « elle » les empilait dans un bol en céramique. Je me souviens que très vite, ma sœur a commencé à attendre patiemment que le bol soit rempli. Puis lorsqu'il débordait, elle le posait dans l'évier de la cuisine, craquait une allumette et mettait le feu à ce petit brasier de fortune. Puis, elle ouvrait le robinet et le regardait s'éteindre. Je me souviens de sa panique, à « elle », à chaque fois que ma sœur faisait cela, et de notre fascination face à ce feu de camp miniature.

Et finalement je me souviens d' « elle », cette femme, qui alors qu' « elle » habitait sous le même toit, n'était que trop absente, qui pleurait beaucoup, qui ne nous emmenait nulle part, et que je n'ai jamais entendue rire. Je me souviens de toutes ces tentatives échouées pour lui arracher un sourire sincère, un compliment, un mot d'amour. Je me souviens de cette femme qui très vite fut remplacée, tant bien que mal, par les Legos, la pâte à modeler, le saule pleureur, le bruit de la tondeuse à gazon, le champ, la balançoire, Le Mardi c'est Permis et Fly, et dont nous essayions désespérément d'attirer l'attention avec des signaux de fumées provenant d'un bol en céramique.

Je ne me souviens pas de tout ce que je devais faire (17) - par JPH

Je me souviens que c’est le moment d’envoyer les chiffres des sorties du jour du Chœur des femmes à Martin Winckler

Je me souviens que j’étais à Brive hier.

Je me souviens que je dois envoyer quelque chose à Martin Winckler.

Je me souviens que c’est un nombre ou un chiffre

Je me souviens que j’ai lu un livre à Brive hier.

Je me souviens que j’ai cherché Martin Winckler à Brive hier mais je ne me souviens pas si je l’ai trouvé

Je ne me souviens pas de la différence entre un nombre et un chiffre

Je me souviens que Brive n’est pas Montréal, mais peut-être que j’ai perdu la mémoire

Je me souviens que Brive n’est pas loin de Montréal, et réciproquement, mais je ne sais plus dans quel sens

Je ne me souviens pas si j’ai l’adresse de Martin Winckler, pourtant je dois lui envoyer quelque chose

Je ne me souviens pas si j’ai le temps de continuer à écrire ou bien si je dois mourir tout de suite

Je ne me souviens pas ce que signifie ce 330 inscrit sur un postit collé sur mon ordinateur

Je me souviens que le 9 novembre 2009 on fête les 20 ans de la chute du mur de Berlin.

Je ne me souviens pas si je dois aller bientôt à Berlin, à Brive ou encore à Montréal.

Je ne me souviens pas si Brive est près de Montréal dans le temps ou dans l’espace.

Je me souviens que l’espace et le temps sont deux mots différents

jph

dimanche 8 novembre 2009

Je me souviens (16) - par Perrine

Je me souviens de Mme A. dans la salle d’attente ; elle avait la voix cassée, perpétuellement en train de crier derrière sa marmaille afin de la faire tenir tranquille… S. avait à l’époque cinq ans et E. en avait deux

Je me souviens qu’un jour le Dr F. m’a appelée pour me dire que, ma collègue qui suivait S. en rééducation orthophonique étant en congé maladie, il faudrait que je prenne moi-même cette enfant en rééducation parce qu’elle en avait vraiment besoin. Et pour une fois, un docteur semblait savoir de quoi il parlait et en quoi consistait mon boulot !

Je me souviens de la rééducation de cette enfant, pour laquelle je trouvais sa mère assez désinvestie.

Je me souviens que je voyais la mère comme une sorte d’incapable : incapable d’aider son enfant, incapable de s’occuper du petit dernier dans la salle d’attente, incapable d’être calme…

Je me souviens que la secrétaire du cabinet médical disait de cette mère qu’elle était un courant d’air ; après son passage, la salle d’attente était dans tous les sens

Je me souviens que la maîtresse de S. était assez investie pour cette enfant, mais assez sévère aussi

Je me souviens que S. avait une pathologie lourde mais je ne sais plus vraiment laquelle ; je me souviens juste de ce que nous travaillions en rééducation

Je me souviens que, l’an dernier, lorsqu’elle a été enceinte pour un troisième enfant, je me suis dit qu’elle n’aurait plus du tout de voix lorsqu’il naîtrait

Je me souviens que je me suis dit qu’il y a des gens qui cumulent les difficultés, et que déjà qu’elle gueulait tout le temps sur ses mômes, en plus elle en faisait un troisième

Je me souviens que j’ai levé les yeux au ciel il y a deux semaines lorsque Mme A. m’a appelée – pourvu que S. n’ait pas besoin de reprendre des séances !– pour prendre rendez-vous pour un bilan pour E.

Je me souviens que je me suis dit « et de deux ! »

Aujourd’hui Mme A. est venue avec E.

Elle m’a raconté qu’il était né prématurément, avait failli mourir trois fois : à la naissance, d’une occlusion intestinale dès son retour des couveuses, d’une bronchiolite après sa deuxième hospitalisation

Elle m’a raconté qu’il passait son temps à rêver et à jouer et que la maîtresse de CP, la même que S. avait eue, lui collait des punitions à tout bout de champ

Elle m’a raconté qu’elle avait suffisamment stressé à propos de S., à s’en rendre malade, et que pour E., c’était la maîtresse qui stressait

Je me souviens qu’avant je la regardais un peu de haut

Je me souviens que je me suis dit, en l’écoutant parler d’E., qu’elle avait pris de la bouteille

Je me souviens que, la voyant avec E. et son petit dernier, je me suis dit que ce troisième lui avait fait prendre de la distance

Je me souviens que, quand elle est partie, je me suis dit que c’était bon de voir évoluer ses patients

Je me dis maintenant qu’il faudra que je me souvienne, pour que moi aussi j’évolue.

vendredi 6 novembre 2009

Je ne veux pas m'en souvenir (15) - par Laura T.

Je me souviens d’un pays, d’une ville, d’un quartier, d’une rue, d’un appartement, d’une fenêtre donnant sur un grand terrain vague.
Je me souviens de ma mère, de ma grand-mère, de mon arrière grand-mère, et toutes ces aïeules que je n’ai pas connues.
Je me souviens d’une cour, d’une école, des salles de classe, des pupitres, et, nous, élèves croyant avoir l’éternité devant nous.
Je ne me souviens pas avoir désiré que toutes ces choses arrivent, la mort, la violence, l’affrontement, la fuite, la négation, la destruction, la terreur, le dégoût, le rejet, l’horreur, l’angoisse, l’échec, l’enfer.
Je me souviens de lui, de sa silhouette, de ses cheveux, de ses yeux, de sa voix, de ses cheveux, de ses fesses, mais je l’ai oublié.
Je me souviens d’un autre pays, d’une autre ville, d’un autre quartier, d’une autre rue, d’un autre appartement, d’une autre fenêtre donnant sur un jardin qui n’était pas le mien.
Je me souviens d’un substitut de père, d’y avoir cherché une autre famille, une autre généalogie, d’autres aïeux.
Je me souviens de ce caveau, de ces tables, de ces tapis, de ces jetons, de ces cartes, de la couleur de l’aveugle, de la douleur du travail.
Je me souviens de toi, me parlant, me touchant, me désirant, m’embrassant, m’en voulant, me détestant, je ne te connais plus.
Je me souviens de ma joie, d’avoir voulu la retenir, l’enfermer, la garder, l’emprisonner, la conserver, la mettre en cage pour qu’elle ne s’échappe plus.
Je me souviens de tout ce qu’on m’a omis, caché, tu, occulté, menti, dissimulé, masqué, pas dit.
Je me souviens de cette vie qui n’est pas la mienne.

jeudi 5 novembre 2009

Je me souviens (14) - par Danielle B.

Je me souviens d’un soir d’hiver de 1998 où Maryse Hazé de France Inter m’a appelée pour me dire que j’étais retenue comme jurée du Livre Inter. Je me souviens de son incroyable gentillesse.

Je me souviens du bonheur de recevoir les livres de la sélection.

Je me souviens de la lecture de la Maladie de Sachs et de l’énorme coup de poing reçu en lisant la phrase qui parlait des jeunes cons qui foncent sur les pylônes et se tuent en voiture (en gros). J’étais en plein dans le sujet.

Je me souviens du courrier de Martin Winckler répondant au mien où je lui faisais part du choc éprouvé.

Je me souviens du magnifique accueil de France Inter, du sentiment, si rare, que nous éprouvions tous, nous les jurés, d’être des gens importants.

Je me souviens de mon émotion lorsque j’ai défendu le livre de Martin.

Je me souviens de toute l’attention prodiguée à mon égard par l’équipe de France Inter, de celle de Martin.

Je me souviens de la colère de Martin parlant du comportement de certains médecins, de l’enseignement médical en France.

Je me souviens des discussions, des émissions, des rencontres, des échanges, bref de ce moment magique qu’a constitué cette édition du Livre Inter.

Je me souviens que nous avons voulu prolonger cette magie en écrivant chacun un texte, formant ainsi un recueil que POL a bien voulu imprimer.

Je me souviens que la belle aventure du Livre Inter, la rencontre avec Martin, puis deux mois plus tard, la naissance de ma première petite-fille, Nina m’ont réancrée dans la vie.


Merci Martin.

Il-Elles (Je me souviens,13) - par Younes

Il se souvient des jours passés assis sur le trottoir à décortiquer l’état du monde en compagnie de fauchés qui ne pouvaient se payer un café crème, en attendant des jours meilleurs où la crise se dénouerait et ouvrirait plein les portes de l’espoir et de la dignité.



Elle se souvient avoir participé à des manifs dans les années quatre-vingt pour changer. Paris faisait la grève ou la subissait, mais Paris bougeait. Mitterrand était vivant avec quelque parcours politique enterré, mais l’histoire pardonne toujours aux puissants.



Il se souvient de ce bourdonnement qui rappelle les ruches dans l’unique salle de révision de la faculté des sciences. Les étudiants révisaient ou rêvassaient et n’oubliaient pas de se lancer des regards pour s’assurer qu’il y a la vie et que c’est beau d’être amoureux.



Elle se souvient lui répéter incessamment qu’il avait l’esprit constamment occupé et qu’il risquait de se faire mal dans cette campagne dure où la pierraille la disputait aux maigres herbes. Elle regardait toujours avec affection ce garçonnet, fils de sa nièce et fille adoptive, qui était là pour lui rendre visite et qui n’osait exprimer ses sentiments face à la maladie.



Il se souvient avoir reçu une gifle de la part du gérant de la bibliothèque du collège qui ne voulait pas lui rendre ses deux malheureux dirhams de la caution de prêt. Il avait lu ‘’Michel Strogoff’’ ou ‘’Sans famille’’ pour son entrée en sixième.



Elle se souvient qu’elle s’était rendue en maillot de bain à l’hôpital où on avait emmené son fils en urgence car une voiture l’avait renversé. Le père lui avait dit d’être courageuse, le gamin ne survivrait pas.



Il se souvient avoir rêvé avec son père d’être avocat et de travailler dur pour défendre les pauvres et que la justice règne.



Elle se souvient avoir lu sa rédaction sur une quelconque bagarre de rue et qu’elle avait appréciée. Elle avait emmené sa troupe et lui avec découvrir le cinéma à travers les ciné-clubs. Ils voyaient des films en noir et blanc, brésiliens, soviétiques, polonais et d’autres contrées où le septième art était aussi fauché que les gens qu’il montrait.



Il se souvient qu’on lui avait volé son portefeuille au moment où il mettait son pied dans le bus. Il est redescendu du bus, puis un type est venu le lui rendre. Il n’y avait rien de consistant dedans, ni avant, ni après.



Elle se souvient qu’elle ne savait pas si elle rentrait de l’école. Dans son pays, la guerre faisait loi, les balles, les obus sifflaient. Elle était petite, elle faisait son devoir de petite fille.



Il se souvient que le jeune réalisateur libanais évitait ce passage où des souvenirs risquaient de remonter à la surface. Il y était allé faire un tour après le débat collectif sur le scénario. La Porsche n’a pas changé l’enfant qu’il était.



Elle se souvient que sortir de la maison serait fatal pour lui. Elle ne l’a pas empêché de coller l’oreille derrière la porte pour entendre des balles pour de vrai claquer et percer les murs. Le jour d’après, ils surent qu’ils ont percé aussi des poitrines. Une histoire de pain à Casablanca.



Il se souvient d’eux et d’elles.

Je me souviens (12) - par Thierry V.

Je me souviens de septembre 2005 et d’un baiser échangé à Lisbonne.
Je me souviens d’un mail envoyé à quelqu’un que je connaissais à peine et de sa réponse enthousiaste.
Je me souviens, que moins de deux semaines plus tard, il prenait l’avion pour me revoir. J’étais flatté, personne n’avait jamais fait ça pour moi.
Je me souviens à peine de ces quatre jours parfaits.
Je me souviens de lui avoir offert un bloc de fausses feuilles de prescriptions au nom du Docteur Francis Picabia, et lui un livre de Mario De Sa-Carneiro.
Je me souviens de la petite carte qu’il conservait dans son portefeuille, sur laquelle était représenté le Saint du village de ses parents.
Je me souviens d’un texto envoyé de l’avion qui le ramenait à Lisbonne. J’avais des preuves, son départ était un commencement.
Je me souviens d’une nuit où, à quelque 1700 kilomètres de distance, on ne s'est jamais senti aussi proche.
Je me souviens d’avoir reçu une lettre, contenant une feuille de prescription, où il avait dessiné un portrait de moi. L’enveloppe contenait une trentaine de minuscules fantômes noirs et blancs.
Je me souviens des billets que j’ai pris en novembre pour le rejoindre, puis d’un sentiment de peur et de liberté.
Je me souviens de l’avion presque vide et, pour la première fois, d’avoir atterri de nuit à Lisbonne.
Je me souviens du trajet en bus jusqu’à chez lui. Je crois que son regard était fuyant.
Je me souviens d’avoir photographié absolument tout durant un mois, et plus spécialement son appartement, dans les moindres détails.
Je me souviens de notre première nuit, de loin la meilleure. Je ne me souviens pas des autres.
Je me souviens d’avoir photographié le lit défait, au petit matin. Encore des preuves.
Je me souviens d’un petit cadre près de son bureau, contenant une feuille blanche où il avait écrit « Marry me » avec son sang. Ce n’était pas le genre à plaisanter.
Je me souviens de la terrasse d’un bar surplombant le Tage. C’était une fin d’après-midi, la nuit était tombée. Les avions survolaient la ville à basse altitude.
Je me souviens de son regard qui semblait toujours chercher quelque chose, sans le trouver.
Je me souviens qu’à cinq heures du matin, sur les marches de l’Assemblée de la République, il m’a dit qu’il m’aimait. Plus haut, deux soldats nous observaient.
Je me souviens de soirées en compagnie de ses amis, où je ne comprenais rien à ce qui se racontait.
Je me souviens de balades en solitaire. Je ne savais jamais où aller.
Je me souviens de trajets en train ou en métro, de restaurants, de bars, de rencontres, de balades, le tout n’est constitué que de brefs instants.
Je me souviens du taxi qui me ramène à l’aéroport et du ciel bleu.
Je ne me souviens plus de nos échanges après cette période. Sauf le jour de Noël.
Je me souviens de son retour à Paris le 30 décembre, d’une première journée entre fatigue et inconfort.
Je me souviens de la soirée du 31, épuisante, dure, alcoolisé et stupide, puis d’une crise de jalousie violente déclenchée par ces éléments.
Je me souviens avoir été flatté et choqué, personne n’avait jamais fait ça pour moi.
Je me souviens du lendemain et d’un sentiment d’échec.
Je me souviens de son dos disparaissant dans les escaliers. Je savais que je ne le reverrais plus.
Je me souviens d’appels téléphoniques inutiles, et peut-être de mails du même acabit.
Je me souviens à peine de l’année 2006.
Je me souviens de la soirée du 31, une soirée calme avec un ami. J’étais malade et heureux de l’être.
Je me souviens de m’être senti soulagé. Ca faisait déjà un an.

mercredi 4 novembre 2009

Je me souviens (11) - par Lyjazz

Je me souviens de mon adolescence,

de mes lectures érotiques : Anaïs Nin, les 11000 verges d'Apollinaire, Henri Miller

Je me souviens que sa mère lui avait dit « mon fils tu fais trop l'amour »,

un jour où il avait l'air recru de fatigue, mais qu'il montrait une lassitude alanguie.

Je me souviens de l'inconfort de la 4L pour faire l'amour,

Je me souviens des cavaliers qui nous avaient surpris dans le bois,

nous étions dans l'Ami 6, à moitié nus, c'était l'hiver.

Je me souviens de nos nuits volées, courtes, car trop agitées sous la couette,

avant d'aller skier le lendemain avec les copains.

Je me souviens de nos après midi de sensations physiques décuplées,

après avoir fumé un joint.

Je me souviens de ses parents sonnant à leur propre porte pour éviter de nous surprendre au lit.

Je me souviens de nos parties de jambes en l'air

dans les bois, me remémorant L'amant de Lady Chatterley,

j'aime beaucoup faire l'amour dans la nature.

Je me souviens de nos ébats dans le petit lit de ma chambre d'étudiante,

de la femme de ménage qui le surprenait au matin, quand j'étais déjà partie.

Je me souviens de ce texte de Fernando del Paso dont j'avais l'essence en mémoire lorsque j'ai écrit :

A la manière de... Palinure de Mexico, de Fernando del Paso


Mon cousin et moi nous aimions faire l'amour dans ce lit tout simple, bas, dans lequel nous mettions parfois des draps de lin naturel quand il faisait chaud, parfois des draps de satin foncé et des coussins lorsque nous étions plutôt d'humeur aux cachotteries, aux secrets, que nous voulions nous soustraire à tout ce monde qui nous semblait si barbare et si hostile parfois.

Nous aimions faire l'amour

inévitablement, quand nous nous frolions dans le noir,

indéfectiblement, quand nous sentions si fort que nos liens s'étayaient depuis si longtemps,

irrégulièrement lorsque nos chemins se croisaient et nos vies se dispersaient,

illusoirement les jours où nous étions amers et déçus de la vie,

puissamment parce que nous étions fous amoureux et jeunes, si jeunes !

Jazzistiquement en écoutant John Coltrane siffler Blue Train,

baroquement lorsque la pièce était pleine de la musique de Mikis Théodorakis orchestrant le Canto General de Pablo Neruda,

littérairement lorsque nous lisions ensemble Anaïs Nin,

ludiquement le jour où j'ai amené un godemichet, et lui des boules de geisha et un anneau pénien,

les yeux plissés et en ronronnant parce que nous aimions les chats, leur douceur et leur puissance (et Baudelaire),

souplement quand nous expérimentions les positions du kama sutra,

à la va vite lorsque nous n'avions que 10 mn avant un rendez-vous,

élégamment pour un jour de carnaval où nous étions déguisés en personnages distingués,

sans se voir parce que nous aimions jouer dans le noir,

avec gourmandise le jour où il m'a enduite de chocolat, puis de miel, a laissé couler du champagne entre mes cuisses, où j'ai fait tomber goutte à goutte de la crème anglaise au bout de son gland...

librement parce que nous n'avions aucun tabou,

délibérement,

respectueusement,

lascivement,

Et enfin palliativement lorsque j'ai rencontré un autre homme et que je ne pensais qu'à cet autre.....


Lyjazz

mardi 3 novembre 2009

I remember (10) - par Martine B.

I remember England when I was young,
We travelled to London, the trains were rickety,
Soho was the place to be, and I bought a purple felt hat and a long dress and clogs,

I remember keeping change to get heating and electricity, and you wasted it on gambling machines,

I remember watching movies on the telly, and the news, and Top of the Pops, there was only one channel on the BBC,

I remember The Beatles, The Doors, The Stones, Grateful Dead, Jefferson Airplane, Bob Dylan, Marianne Faithful, and I remember The Who lived at Leeds.

I remember going to parties and going to the pub where we played darts, we played with beer mats too, and ate salt and vinegar chips, they said “Guinness is good for you” but I did not like the bitter taste and stuck to pale ale,

I remember we had fish and chips from newspaper wrappings and naughty teas with scones and jam and cream, and trifles, and lemon meringue pies, but also yucky cabbage and bright-coloured jelly,

I remember unexciting cricket games that lasted for hours, and bowling games with old people all dressed in white on immaculate lawns,
But I mostly remember

You,
My knight of light, the gem of all gems,
You were the silver lining of my clouds,
You were the swallow that made a summer.

Je me souviens (9) - par Gilda

Onze je me souviens et un je ne me souviens pas

1. Je me souviens du temps où "Plumes d'Ange" m'aidait à tenir le coup lors des journées "d'usine". Je recevais l'épisode du jour (par P.O.L en feuilleton quotidien) en arrivant légèrement en avance le matin, l'imprimais si ça pouvait, puis le lisais par bribes lors des peu de pauses. L'internet à l'époque était encore trop cher pour qu'on l'ait chez soi. Ces lectures de contrebande ont infiniment compté. (encore merci)

2. Je me souviens de ces longues années où les deux tiers de mon temps étaient aliénés. Je gagnais ma vie. Mais à quel prix ?

3. Je me souviens que par deux fois mon grand frère d'élection m'a sauvé la vie. Je n'oublierai jamais. Je meurs facilement de chagrins d'amour.

4. Je me souviens que 48 heures après le plus beau jour de ma vie j'ai complètement craqué : le bonheur, tout simplement, je n'étais pas amarinée. C'était pour une victoire collective. J'ai cru ces jours-là en l'humanité. Ça n'a pas pu durer.

5. Je me souviens que la première fois que F. m'a écrit, c'était pour me citer un extrait d'un de mes blogs et me demander si j'étais bien celle qui. De stupéfaction j'ai failli tomber. Pourtant j'étais assise.

6. Je me souviens qu'il ne veut pas m'aimer. Je pleure : de mon côté, rien, vraiment rien ne s'y opposait et tout y était. Du sien, tout semblait s'accorder et lui qui a tout fait tout bien pour me charmer. Me fait-il payer son cruel passé ? Ne s'est-il pas rendu compte de ce qu'il faisait ?

7. Je me souviens, je crois, que faire l'amour, c'était bon (très).

8. Je me souviens que mes parents ne voulaient pas m'apprendre à lire avant l'école de peur de m'embrouiller. On peut faire les pire chose en croyant aider. Je me suis (bien) rattrapée depuis. Non mais.

9. - Je me souviens que ma plus belle nuit d'amour c'était à Sienne, me réveiller soudain avant l'aube, m'habiller à tâtons et filer sur LA place. Le soleil se levait. C'était beau à en pleurer . - Quel rapport avec l'amour ? - C'est bien ça le problème.

10. Je me souviens des livres qui ont changé ma vie. Toujours en bien. Ma liberté d'aujourd'hui, je la leur dois (et à quelques ami(e)s ce qui ne s'oublie pas).

11. Je me souviens qu'enfant, le foot fut ma passion ; comme pour tous mes copains du quartier. Quand Saint-Étienne gagnait, nos vies étaient belles. Je ne jouais pas si mal, vous savez ?


1. Je ne me souviens pas d'à quel étage loge l'Amie. Pendant les années où l'on se fréquentait, les temps chez elle ont tant compté. Alors cet oubli, quelle étrangeté.

lundi 2 novembre 2009

Je me souviens (8) - par Laura

Je me souviens des derniers lacets de la route qui précédaient la vision du village où nous venions vous voir. L’excitation, la joie, malgré souvent le brouillard, le vent et le froid qui saisissait à la descente de la voiture. Le clocher apparaissait, il restait encore quelques virages, le ruisseau à truites, le cimetière où désormais vous êtes à demeure et enfin l’entrée dans ce village circulaire où un silence empreint de gravité précédait notre arrêt.

Je me souviens de la fenêtre ouverte sur l’arrivée des hirondelles, la chaleur baignant la chambre et moi, accoudée, les regardant parader, et cette sensation de bonheur éphémère qui planait.

Je me souviens du sentier caillouteux bordé de gros rochers granitiques à cupules, qui me conduisait jusqu’à ma forêt de Brocéliande. Là, adossée à un pin écorcé à maints endroits, je sortais le livre de l’oubli.

Je me souviens de ces hommes, mes oncles, que je trouvais si grands dans mon regard d’enfant. Aujourd’hui, dans le fils je vois le père disparu et mes repères vacillent. Devant la tombe ouverte ils semblent moins grands et j’ai un peu froid.

Je me souviens de la longue silhouette noire me chantant « dis quand reviendras-tu… » et je me souviens aussi de ce jour où tu es partie et que je l’ai su avant que ta mort ne me soit annoncée.

Je me souviens de l’odeur de cuir qui régnait dans la boutique de cordonnier où nous passions ces après- midi de conversation muette, et le choc du marteau sur les petites pointes.

Je me souviens des premiers lacets de la route qui m’arrachaient au village où vous restiez. Agenouillée sur la banquette arrière, mes yeux s’accrochaient le plus longtemps possible aux toits de lauze qui me reliaient à vous. Les larmes que j’avais vues couler sur votre visage à notre départ achevaient leur chemin sur le mien.


Laura

Pourquoi écrire ? par Martine B.


Souvent, à ceux qui me demandent : « Pourquoi écrire, quand les journées sont déjà trop courtes pour tout y caser? Pourquoi écrire, il y en a tant qui le font mieux, à quoi bon balbutier dans ton coin ? », j’ai envie de donner des réponses idiotes, « Parce qu’on m’a offert un ordinateur, parce qu’en ces temps de crise, un passe-temps gratuit, ce n’est pas négligeable, parce que c’est moins barbant que le ménage, parce que je suis incapable de jouer d’un instrument de musique, parce que j’ai trop mal aux genoux pour faire du sport. » Puis je me ravise.
Pourtant on pourrait s’insurger, car en effet, pour toute autre activité que l’écriture, il n’est nul besoin de se justifier et l’amateurisme est de mise. Peu importent les maladresses si on y trouve du plaisir, si on s épanouit dans diverses pratiques, c’est fait pour ça, non ? Je me suis longtemps demandé pourquoi l’écriture subissait un traitement différent, et l’autre jour, en voyant mon fils partir à son cours de guitare, j’ai eu comme un déclic.
Pour toutes les autres activités, on peut s’inscrire dans un club ou une association, certaines sont même souvent démarrées dans le cadre scolaire. Or en France, il y a encore trop peu d’ateliers d’écriture.
Si j’étais ministre de l’éducation nationale, à l’aube d’une réforme des lycées, voilà quelque chose qui figurerait tout en haut de ma liste de priorités. Et pas seulement en cours de français, en langues également, pour jouer avec des sonorités différentes. Je ne mets pas en cause les enseignants, qui ont déjà peine à ‘boucler le programme’.Mais le comble, c’est que l’épreuve de français au bac propose un exercice d’invention, or il est apparemment risqué de s’y hasarder. Pourtant c’est le sujet que les élèves semblent plébisciter.  Donc on ne les y entraîne pas ! Cherchez l’erreur.
Je rêve de sessions d’écriture comme cela se pratique dans les pays anglo-saxons, je pense entre autres au travail d’Asimov auprès des étudiants américains, mais il y aurait tant d’autres exemples… J’ai un temps fréquenté un atelier (initié par François Bon dans un quartier déshérité de ma ville), y participaient également des personnes un peu différentes, qui ne se posaient pas la question de la légitimité de l’écriture, mais agissaient, tout simplement, et certains  nous ont ébloui par la profondeur et la créativité de leurs textes.
Le jour où l’écriture sera perçue comme une activité parmi d’autres, on se posera moins de questions  et ce sera tant mieux!

dimanche 1 novembre 2009

Je me souviens (7) - par Martine B.

Je me souviens des vacances en Charente chez mes grands-parents,
Grand-père nous emmenait à la mer dans sa 4CV noire, cela semblait si loin.
Je me souviens des siestes interminables dont je m’échappais en douce
Pour aller sculpter le bois dans l’atelier de Grand-père.
Je me souviens de la chèvre qui refusait de me suivre quand on la menait au pré
Et me donnait des coups de corne.
Je me souviens de la ferme voisine
Où on allait chercher le lait le soir à la fraiche, avec Angèle.
Je me souviens de l’herbe glanée dans les champs pour nourrir la chèvre.
Je me souviens des cornichons que l’on mettait en bocaux et qui grattaient les doigts.
Je me souviens de la vieille tante avec du poil au menton qu’il fallait embrasser.
Je me souviens des tours pendables de mon cousin Pascal,
Je me souviens qu’Angèle lui passait tout et qu’il la faisait rire.

Je me souviens, le Noël suivant,
On m’a dit : ‘Ta grand-mère a eu un accident’.
Mais je ne me souvenais pas d’avoir jamais vu Angèle sur un vélo...
Je me souviens de ce que l’on m’a trop longtemps caché

Je me souviens (6) par Salomé

Je me souviens de la chicorée que tu mêlais au café, des étiquettes des paquets Leroux que tu échangeais contre des torchons, du lait cru que tu ramenais de la ferme d'à côté dans ces pots à lait en aluminium munis d'une anse en bois que tu appelais laitières, des tartines de confiture maison – la fraise, ma préférée.

Du tiroir du bout de la table de la cuisine, caché sous la toile ciré, que j'ai mis longtemps à découvrir et qui recelait des trésors de cartes postales.

Des œufs à la coque, du pâté de lapin, du bœuf en daube et des soupes, forcément meilleures que celles de nos mères. Des framboises gorgées de soleil que nous mangions sur pied, des haricots verts et des petits pois extra-extra fins. Du canard que nous trempions dans le café des adultes, à la fin du repas de midi, une fois la vaisselle faite.

Du bac à sable, de la charrette, des gravillons dans l'allée qu'il ne fallait pas toucher, de la cave où, l'hiver, nous jouions aux juifs cachés pendant la guerre.

Du plancher qui gémissait sous nos pas, des cadavres parsemés au plafond de la chambre, témoins de notre éphémère victoire au lancer de tatane contre des hordes de moustiques, des édredons en vrai duvet dont le gonflant n'avait rien à envier aux couettes d'aujourd'hui.

De ton sempiternel maigre chignon gris qu'un petit matin, en allant aux toilettes, j'avais surpris pas encore fait, révélant des cheveux d'une longueur que les miens n'avaient pas le droit d'atteindre, signe indiscutable de ta féminité malgré les années.

De tes paroles d'une sagesse surannée. Tes « Prends -ton temps, Jean-Philippe ! » d'une époque où l'on pouvait se permettre de faire les choses en s'appliquant et qui contrastaient délicieusement avec les « Mais dépêche -toi donc ! » de ma mère habituée à mener plusieurs choses de front. De tes « Il ne faut pas dire du mal des gens », qui, du coup, mettaient fin à de nombreuses conversations.

J'ai hérité de tes laitières, de ta cafetière émaillée, et j'ai conservé le goût de la chicorée.